Quand le monde musulman montrait le chemin à l’Occident


La mort de Mohamed en 632 marque le point de départ de la marche triomphale des conquérants arabes. Douze ans plus tard, ils ont déjà soumis toute la péninsule arabique, la Palestine, la Mésopotamie, la Perse et l’Egypte. Moins d’un siècle leur suffit pour s’emparer d’un territoire plus immense encore que celui conquis par Alexandre : vers 730, leur empire s’étend du nord de l’Espagne aux rives de l’Indus. Un sixième de la population mondiale change ainsi de langue et de religion.

Alors que l’Europe s’enfonce dans des siècles obscurs, l’Islam rayonne, et son empire devient entre le VIIe et le XIIIe siècle l’un des deux principaux centres de civilisation (avec la Chine des Tang et des Song). Les Omeyyades à Damas ou à Cordoue, les Abbassides à Bagdad, les Almoravides à Marrakech, les Fatimides à Alexandrie : toutes les grandes dynasties qui se succèdent contribuent à asseoir la domination économique, technique, scientifique et culturelle de l’Orient sur l’Occident.

L’économie du monde musulman à son apogée se développe à la fois en Asie, en Afrique et en Europe. Gouvernées par la même autorité, les deux grandes zones d’échange de l’époque, le littoral de l’océan Indien et la Méditerranée, se retrouvent unifiées. L’Empire arabe, qui est de plus soudé par une religion et une langue communes, sert de pont entre l’Extrême-Orient et l’Europe. C’est en le traversant que certaines innovations issues de Chine arriveront sur le Vieux Continent : boussole, papier, poudre, imprimerie. Mais le monde musulman ne sert pas seulement d’intermédiaire. Rares sont les domaines d’activité que ses innovations n’ont pas transformés.

Dans l’industrie comme dans l’artisanat, l’avance des Arabes sur le monde médiéval européen est considérable. La métallurgie fournit des productions réputées, comme les armes de Damas, du Yémen ou de Tolède. Le raffinement du travail des métaux précieux et de la bijouterie est sans égal. Plus renommés encore, les tissages de laine, coton, lin et soie témoignent du dynamisme de l’industrie textile. Adoptés en Occident, les mots mousselines (cotonnades de Mossoul, en Irak) et damas (soieries de Syrie) rappellent l’origine de ces étoffes.

Quant aux tapis tissés par les artisans persans, ils sont déjà recherchés dans le monde entier. Idem pour le travail du cuir (la cordonnerie de Cordoue, la maroquinerie du Maroc), la verrerie, la céramique, la parfumerie ou l’art de la teinture : les musulmans maîtrisent des techniques sophistiquées encore inconnues au nord de l’Espagne. Et, s’ils n’ont pas inventé le papier, la prise de Samarkand, sur la route de la soie, leur permet de s’approprier dès 753 cette découverte chinoise et de multiplier la production de livres.

L’avance de l’Empire arabe est tout aussi importante dans le secteur agricole, où les contraintes du désert stimulent l’inventivité. On manque d’eau ? Des techniques d’irrigation fleurissent pour rationaliser son usage : norias (roues mues par des animaux qui remontent l’eau des fleuves vers les champs), chadoufs (puits à balancier), barrages, canalisations, qanats (canaux souterrains puisant l’eau des nappes phréatiques). Dans les contrées arides de l’empire poussent des fruits et légumes qui émerveillent l’Occident : aubergine, échalote, orange, abricot, pastèque, citron et même canne à sucre (importée d’Inde et acclimatée).

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